Voyage en chambre à air : balade (en)cyclopédique dans le Kochersberg

La présentation de l'éditeur Il demeure, chez notre poète, une mystique de la pratique vélocipédique. Elle lui permet de toucher à l'absolu, de goûter l'ivresse du grand air, d'être «en osmose avec le mouvement du monde». Sur son vélo, il se grise de la liberté de mouvement comme pouvait le faire Miguel Indurain, il se délecte des «vagabondages de l'esprit» et des «moments d'éternité volés à l'humeur du temps». Il est comme Ulysse, prenant part à une épopée. «Rouler, c'est vieillir moins vite», nous dit-il dans une allusion implicite à la théorie de la relativité d'Einstein. Rouler en écrivant pour accéder à l'éternité. Olivier LARIZZA Laurent BAYART a publié une quarantaine d'ouvra­ges dans le domaine de la poésie, de la nouvelle, de la prose poétique et du théâtre. Il organise des soirées littéraires et musi­cales dans le Bas-Rhin avec le Conseil Général. A obtenu récemment le Prix de la ville de Beaune pour un récit de voyage au Brésil et le Prix de la Société des Ecrivains d'Alsace et de Lorraine pour l'ensemble de son oeuvre. Hélas, ne figure pas dans le palmarès de la Grande Boucle... mais qu'à cela ne tienne, se délecte en savourant les merveilleux paysages du Kochersberg ! Les premières lignes Extrait du prologue d'Olivier Larizza : La littérature cycliste n'est pas morte avec Antoine Blondin ou Louis Nucera, même si on espère des plumes contemporaines capables de la rehausser à ce point d'incandescence qu'elle avait atteint grâce à eux. C'est ce que réussit ici Laurent Bayart, écrivain alsacien, auteur d'une quarantaine d'ouvrages mais qui publie son premier sur le vélo. C'est à une séduisante variété d'humeurs, de rencontres, de paysages et d'aventures que nous convie, à la manière d'une promenade à bicyclette, ce carnet vraiment surprenant. Pourquoi, en effet, après tant de livres étrangers au vélo, se mettre enfin en selle à l'orée de la cinquantaine ? Il est vrai que le parcours de Laurent Bayart témoigne d'un réel goût de la diversité, de la nouveauté : non content d'être un écrivain explorant des genres différents (poésie, prose, journal de voyage), il a encore fondé puis animé, durant une quinzaine d'années, une maison d'édition, L'Ancrier Éditeur, qui révéla - excusez du peu - le prix Nobel de littérature en 1996 ! Et ce n'est pas tout puisque cet arpenteur inspiré organise également des spectacles poétiques et officie en tant que chroniqueur littéraire dans plusieurs revues. Voici donc quelqu'un qui prise l'exploration et, on s'en doutait, les vrais voyages, comme en attestent ses récits consacrés au Brésil et à la Roumanie, ses deux pays de prédilection. Or existe-t-il meilleure compagne que la bicyclette pour musarder au gré de ses pérégrinations ? Ce que je sais, en tout cas, c'est qu'on entre en cyclisme comme en religion. Aussi le narrateur de «Voyage en chambre à air» prend-il dès le départ sa fourche de pèlerin et se met-il à suer de l'eau bénite sur «un chemin de Compostelle imaginaire», telle une poussière en route vers «l'immensité de Dieu». «Pédaler, c'est comme sacrifier à un rite, nous dit-il. Offrir ses pieds, ses jambes, ses muscles à l'autel du vélo.» Et le sacrifice impressionne. On souffre avec lui sur la pente aiguë du Mont Sainte-Odile avant de savourer une pause furtive à l'ombre des impassibles sapins. Ah ! le plaisir fabuleux, juste après l'effort surhumain, de la «bière du retour», des bulles qui pétillent dans la gorge. D'emblée, Bayart se pose comme un écrivain du gravillon, du détail saisi dans la fulgurance de l'instant, de l'immense plaisir minuscule cher à un certain Philippe Delerm. Mais l'Alsacien manifeste un sens du style pittoresque souvent bien supérieur au Normand - lequel, du reste, préfère le foot à la petite reine, le traître ! Voilà donc un auteur qui, dès qu'il enfourche sa bicyclette, glorifie la surprise et l'émerveillement. Le kaléidoscope des fleurs qui embaument le chemin, le pépiement des pneus, le cobalt du ciel... Les sensations touchent, la synesthésie fait merveille : les parfums, les couleurs se répondent. Tout va bien dans le meilleur des mondes, jusqu'à ce fichu clou qui crève le biclou ! Il faut alors savoir faire preuve de doigté, de philosophie. «Le vélo est une étoile filante qui passe dans la vérité de l'instant», nous dit l'auteur.

Auteur : Laurent Bayart
Editeur (édité par) : les Petites vagues